Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel par article
À quoi pense- t- on spontanément lorsque le sujet des relations du Conseil consti-tutionnel avec le mandat parlementaire est abordé ? À la mission de juge électoral que l’article 59 de la Constitution ( il « statue, en cas de contestation, sur la régu-larité de l’élection des députés et des sénateurs » 1) lui a attribuée. Ce réflexe est d’autant plus naturel que l’avènement de la Ve République a provoqué une nette rupture avec le passé. L’autocontrôle par les parlementaires ( pudiquement appelé la vérification des pouvoirs) institué en 1789, critiquable par son caractère en-dogamique et source d’abus criants sous la IVe République 2, s’est en effet bru-talement évaporé en 1958 3. On conviendra, avec F. Goguel, que ce fut une « novation complète par rapport à la tradition française » 4. Juge constitutionnel, le Conseil s’est donc vu aussi accorder une fonction de juge ordinaire, ce qui l’amène, à l’instar du Conseil d’État pour les élections euro-péennes et locales, à trancher des litiges électoraux inter partes. Inévitablement, les délices du dédoublement fonctionnel déploient leurs effets. Ainsi, le Conseil 1- En outre, le Conseil « veille à la régularité de l’élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin » ( art. 58C) ; il « veille à la régularité des opérations de référendum prévues aux articles 11 et 89 et au titre XV. Il en proclame les résultats » ( art. 60C). V. notamment J.- P. Camby, Le Conseil constitutionnel, juge électoral, Dalloz, 5e éd., 2009 et F. Mélin- Sou-cramanien, « Le Conseil constitutionnel, juge électoral » , Pouvoirs, n ° 105, p. 126. 2- Si en 1951, les règles relatives à l’interprétation de la loi électorale furent appliquées de manière différente selon la couleur politique de l’élu, un seuil dans l’arbitraire fut franchi en 1956 où l’invalidation de onze députés poujadistes, fondée sur les conditions de constitution des listes, entraîna la procla-mation de l’élection de leurs adversaires et non l’organisation d’élections partielles. Ce jour là, l’As-semblée nationale se comporta comme une « assemblée politique, incapable de se soumettre à la loi qu’elle a faite » ( G. Vedel, JCP, 1952, II, 6810) et l’intention du constituant fut alors explicitement « de faire disparaître le scandale des invalidations partisanes » . ( M. Debré, Discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Documentation française, T. 3., 1991, p. 260). 3- V. L. Philip, Le contentieux des élections aux assemblées politiques françaises : de la vérification des pouvoirs par les Chambres au contrôle juridictionnel du Conseil constitutionnel, LGDJ, 1964. 4- F. Goguel, « Le Conseil constitutionnel » , RDP, 1979, p. 12.